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2012.  "Pendant ce temps là."

             Vidéo, couleur, 25mn.  

Projection du 11mars 2018  au Musée des Abattoirs de Toulouse,

dans le cadre du 21éme festival  Traverse Vidéo.

 

Article de Simone Dompeyre pour le catalogue du festival:

 

Les noms des catastrophes nucléaires se font écho, s’appellent de l’augural Hiroshima au plus récent Fukushima en 2011, appelant les craintes concernant la centrale de Fessenheim. La tonalité des voix et la réverbération des enregistrements datent différemment les dires… mais celle qui guide l’attention apportant des précisions cumule le style ampoulé, presque séducteur de l’homme des documentaires des années 1960. Les émissions radios aux discours spécialisés ou diffusant des micros-trottoirs à la suite d’une telle catastrophe s’ajoutent à des textes plus poétiques sur ce que ne peuvent plus dire les amoureux d’Hiroshima.

En image teintée, un homme en pagne style butô, rampe dans la rue, il hurle ou gémit en une performance-refus du nucléaire, qui rappelle d’autres actions engagées d’artistes japonais ou viennois, cependant des hommes en miniatures, colorés, en ombres ou non, se suivent chacun identique à l’autre, au centre du champ diversement occupé par les bouts de verre, eux restent sans explication, comme cet homme s’exerçant au sport.

Le film ne se réduit pas à un brandon contestataire, il ne se consomme pas pour apprendre ce que nous savons ; il n’est pas davantage de propagande car s’il accuse le nucléaire, il invente une poétique de la couleur et du choc voire de la lumière.

En effet, des lampes rutilantes peintes en bleu saphir s’y lancent, y oscillent, se brisent, se fracassent sur divers objets ; de diverses formes, elles s’accumulent ; parfois elles sont convoyées sur un train-jouet tournant fréquemment autour des débris qui, eux, s’animent en pixilation sur une zone orange sa complémentaire. La confrontation des couleurs est forte : le rouge de la terre, du magma.

Les arcs d’électricité ajoutent à cette image de la puissance et esthétique.

Plus étonnamment filmé en 8mm et super 8, le roman familial s’y immisce ; les étapes biographiques ne néglige aucune étape canonique : enfance, adolescence, maturité et privilégie les moments heureux – en excluant la mort – selon la fonction attribuée au film amateur, au film de famille. Les jeux, l’apprentissage du violon, du ski, les occupations d’été avec la plage et la visite de divers pays avec les clichés obligatoires des défilés militaires ou de l’Alexanderplatz, ou des paysannes en tenue folkloriques,  et ni les bougies de l’énorme gâteau d’anniversaire ni le mariage n’y manquent.

Le modèle d’apparition se détache de l’habituel écran déroulé en fin de repas ; les images se discernent, disparaissent ici et là, sans jamais saturer le champ. Elles adoptent pour écran les éléments les plus inattendus, et particulièrement les cailloux brillants de graphite eux-mêmes animés et réitérés…rejoignant les démarches à la lettriste pour libérer le film de l’obligation de carcan y compris de l’écran.

Le même inattendu enlacement s’opère quand le «  bon anniversaire » se chante sur la litanie nucléaire.

Est-ce dire que la famille française Pendant ce temps là reste insouciante et n’entend pas les paroles apocalyptiques concernant « cet enfer déchaîné par les hommes », et ce, malgré le retour d’un œil, masqué par des nuées, ou rouge comme son alentour, ou qui, en coda du film, fixe en regard adressé, en effet hors cadre, vise l’éventuel coupable en memento mori/ souviens-toi que tu vas mourir.

Ou la famille française Pendant ce temps là vit, qu’il faut vivre, selon le carpe diem/ profite du jour…

Parce que Pendant ce temps là ouvre les deux lectures d’une vanité en acte, il ne s’épuise pas. Plus encore, en projetant ces images d’une vie au-delà d’écran, il rejoint des préoccupations de liberté de l’image et du film, et de sa construction. Et par là même, il laisse le champ à la pensée de se faire même si c’est sous le mode du fracas.

 

 

Simone Dompeyre, Traverse Vidéo.

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